FOCUS SUR LES ARCHITECTES DES BÂTIMENTS DE FRANCE
En 2020, la France compte plus de 45 555 monuments historiques immobiliers, classés et inscrits. Les Architectes des Bâtiments de France, souvent appelés par l’acronyme ABF, œuvrent chaque jour pour l’entretien et la conservation de ces monuments. Selon la nature des projets de travaux, leurs avis pèsent dans la balance.
QUI SONT-ILS ?
Les ABF sont des fonctionnaires du corps des Architectes Urbanistes de l’État qui ont une mission de service public consistant en la conservation et l’entretien des monuments historiques. Ils contrôlent également tous les projets menés dans les espaces protégés.
En lien avec le ministère de la Culture et sous l’autorité du préfet de leur région, les architectes des bâtiments de France travaillent au sein d’une Unité Départementale de l’Architecture et du Patrimoine (UDAP). Ils sont présents dans chaque département du pays. Leur mission est de préserver la richesse architecturale de l’hexagone en préconisant les restaurations des monuments publics par exemple, mais aussi en imposant des règles chez les particuliers.
L’objectif de l’ABF est de conserver le bâtiment dans son état d’origine. De fait, il apporte de nombreuses recommandations pendant les travaux et veille au respect de celles-ci. Tout est vérifié dans les moindres détails : matériaux, techniques, coloris etc. L’architecte se base sur des archives, photographies, cartes postales, etc., pour ses recommandations.
Attention, ils ne sont pas à confondre avec les architectes libéraux (qui effectuent la maîtrise d’œuvre de votre projet).
Les ABF sont spécialisés dans le domaine du patrimoine et sont assez peu en France. On en compte 120 seulement contre 29 000 pour les libéraux.
EN QUOI LES ABF VOUS CONCERNENT-ILS ?
Si l’habitation d’un particulier est classée Monuments Historiques ou située dans un espace protégé et qu’il décide d’effectuer des travaux, c’est à l’ABF que revient l’autorisation de la demande de travaux. Il viendra d’ailleurs régulièrement suivre l’avancée du chantier.
Les demandes de permis de construire, de déclaration préalable de travaux et parfois aussi les autorisations de démolir peuvent, dans certains cas, nécessiter la consultation d’un Architecte des Bâtiments de France et leur avis concerne des zones beaucoup plus étendues qu’on pourrait le croire. En effet, les ABF visent aujourd’hui plus de 20% des demandes d’autorisation d’urbanisme. La valeur de leur avis dépend de la situation de votre projet.
Vous êtes concernés si votre projet se trouve :
* dans un site inscrit,
* dans un site classé,
* sur un site patrimoine remarquable (SPR)
Les sites patrimoniaux remarquables (SPR) remplacent depuis 2016 les secteurs sauvegardés, AVAP (Aires de mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine) et ZPPAUP (Zones de Protection du Patrimoine Architectural Urbain et Paysager). Un SPR est un périmètre à l’intérieur duquel s’applique un règlement tel qu’un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) ou un plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine (PVAP). Pour savoir si votre terrain est dans un SPR, vous pouvez contacter votre mairie. Les SPR et leur règlement sont indépendants des Plans Locaux d’Urbanisme.
* aux abords d’un monument historique (MH)
On ne sauvegarde pas seulement un bâtiment, mais tout un périmètre qui est, en théorie, de 500 mètres autour. L’architecte des bâtiments de France devra donner son avis pour tous les projets ayant lieu dans les abords
Les bâtiments situés aux abords d’un monument historique bénéficient eux aussi d’une protection. Toute autorisation de travaux sur un bâtiment protégé nécessite un avis conforme de l’ABF. Le périmètre de protection au titre des abords des monuments historiques est une servitude d’utilité publique. Ainsi, vous saurez si votre terrain est dans ce périmètre en consultant le plan des servitudes d’utilité publique du PLU.
La protection au titre des abords peut s’appliquer de deux façons :
* dans un périmètre délimité précisément par arrêté préfectoral,
* sinon, elle s’applique à tout bâtiment situé à moins de 500 mètres d’un monument historique, à condition qu’il y ait co-visibilité. Celle-ci implique que ce bâtiment soit visible depuis le monument historique ou que ce bâtiment et le monument soient visibles ensemble à l’œil nu depuis un point quelconque normalement accessible au public. Ce point quelconque peut tout à fait se trouver en dehors du périmètre de 500 mètres entourant le monument historique ! (CE N°431994)
Dans les faits, dès que le projet est à moins de 500 mètres d’un monument, l’ABF est systématiquement et obligatoirement consulté. C’est alors à ce dernier de déterminer s’il y a co-visibilité ou non. Si oui, l’avis de l’ABF est conforme, sinon l’avis est simple.
Il peut arriver que seulement une partie de votre bâtiment se trouve dans un périmètre de protection. Dans ce cas, c’est quand même tout votre bâtiment qui sera protégé et donc soumis à avis de l’ABF.
De plus, on considère un bâtiment dans son ensemble pour juger de la co-visibilité. En effet, il peut arriver qu’un bâtiment à modifier soit en co-visibilité mais que la partie à modifier ne le soit pas. Le projet de modification sera alors quand même soumis à avis conforme de l’ABF.
Si votre bien est classé Monument Historique, l’Etat peut vous verser des subventions.
Pour mémoire, Lémeré compte deux monuments historiques : le clocher de l’église St Hilaire et le château du Rivau.
QUELLE EST LA VALEUR DE L’AVIS DE L’ABF ?
L’avis de l’ABF devance celui de la mairie, mais ça ne lui donne pas tous les pouvoirs. Son avis, qu’il soit positif ou négatif, devra être fondé et argumenté. D’ailleurs, il pourra vous formuler 4 types d’avis :
* l’avis défavorable : votre demande de travaux est refusée par l’ABF. En dernier recours, la mairie peut faire appel auprès du préfet de région sous 15 jours pour une déclaration préalable de travaux et sous 1 mois pour une demande de permis de construire.
* l’avis conforme : l’ABF valide vos projets de travaux et la mairie a obligation de les autoriser. L’architecte sera présent.
* l’avis simple : la mairie peut décider de ne pas suivre la décision de l’ABF. Elle est donc responsable s’il y a un recours contre l’autorisation. Bien souvent, la mairie suit l’avis de l’ABF.
* l’avis consultatif: hors secteur protégé, le maire peut toutefois demander un avis à l’ABF au titre de son expertise.
DÉLAI D’INSTRUCTION
Lorsque la demande d’autorisation d’urbanisme est soumise à la consultation obligatoire de l’Architecte des Bâtiments de France, le délai d’instruction par la mairie est toujours rallongé. La majoration du délai dépend du type d’espace protégé.
À l’intérieur du délai d’instruction de la mairie, l’ABF dispose d’un délai de 2 mois pour rendre un avis au maire sur un permis, et d’1 mois pour les déclarations préalables.
À l’exception des permis de démolir, l’absence de réponse de l’ABF vaut accord tacite de sa part. Cependant, dans le cas d’un projet soumis à accord de l’ABF, l’absence de réponse de la mairie au terme du délai d’instruction vaut refus tacite, ce dernier n’étant cependant pas applicable aux déclaration préalables (art. R.424-3 du CU).
L’Architecte des Bâtiments de France peut émettre un refus ou autoriser le projet. S’il l’autorise, il peut l’assortir ou non de prescriptions. Toute prescription retranscrite dans l’arrêté du permis ou le certificat de non-opposition est alors à suivre obligatoirement. Dans le cas contraire, il s’agirait une infraction à l’urbanisme passible de lourdes sanctions.
EST-IL POSSIBLE DE CONTESTER L’AVIS DES ABF ?
Contester le refus de l’ABF, c’est possible. Il faut adresser recours auprès du préfet de région, via une lettre recommandée avec accusé de réception dans les 2 mois suivant le refus.
Le préfet se référera à la Commission régionale du patrimoine et de l’architecture et rendra son avis au maire de la commune.
Cet avis remplacera celui de l’Architecte des Bâtiments de France. Si le préfet de région ne répond pas sous les 2 mois, il faudra considérer ce silence comme un refus.
Enfin, le recours contentieux permet de défendre son projet devant le tribunal administratif. Le particulier devra exposer tous ses arguments pour faire pencher la balance.
COMMENT ÉVITER UN REFUS ?
Une demande de permis de construire soumise à avis de l’ABF nécessite davantage de préparation. En effet, il est indispensable de rencontrer l’ABF préalablement au dépôt de la demande pour lui présenter le projet. Il faut le faire le plus tôt possible pour pouvoir prendre en compte ses remarques avant dépôt du PC. Pensez à envoyer un compte-rendu de réunion à l’ABF pour éviter tout malentendu et acter les décisions prises.
À cette étape, il n’y a pas de secret : pour convaincre un ABF, il n’y a personne de plus efficace qu’un autre architecte… Ces deux professionnels ont le même langage technique, le même regard sur le paysage et ils sont confrères. En confiant la conception de votre projet à un architecte, vous mettez toutes les chances de votre côté pour trouver un compromis.
Une fois l’accord trouvé, l’architecte peut réaliser le dossier de demande de permis de construire. Vous pourrez alors le déposer en mairie sereinement.